L'histoire de Sieurac

Étymologie : Le nom Sieurac est un dérivé du latin « severiacum » qui signifie : la terre de « severus » . Ce surnom de « severus » est donné à une personne qui fait preuve de sévérité, qui est dure. Ce n'est pas un« gentile nomen », (un nom de famille romain) car ceux-ci ont pour terminaison le suffixe « ius ». Même s' il n'y a qu'un village de Sieurac, ce nom est également porté par plusieurs hameaux et lieux-dits dans quelques communes du sud de la France. (Ces communes sont situées dans le Gers, le Tarn, le Tarn et Garonne,ou le Lot et Garonne) Il existait autrefois une autre commune appelée Sieurac. En effet, la ville de Nègrepelisse dans le Tarn et Garonne se nommait originellement Sieurac. Dans les documents du XVIII ème siècle, notre village est souvent mentionné sous le nom de "Sieurac d'Albigeois". Si il est évident pour nous, que le nom d'une localité désigne l'ensemble des lieux dits qui la compose, cette évidence ne semble pas s' imposer à toutes les époques. Cette manière de percevoir le territoire communal jouera son rôle dans les événements qui secouèrent plus tard cette commune.

Sieurac est également un nom de famille qui pourrait désigner une personne étant originaire du village éponyme. L'état actuel de mes recherches ne m'a pas permis d’affilier à notre commune, un quelconque porteur du patronyme Sieurac. La Protohistoire et l'Antiquité du « Sieuracois » On désigne par protohistoire, l'époque durant laquelle l'humanité ne possède pas l'écriture.

C'est la période de transition entre la préhistoire et l'histoire.On peut trouver à Sieurac, des vestiges témoignant d'un peuplement très ancien remontant à cette époque. La région de Sieurac sollicite l'attention des archéologues depuis longtemps. Deux épisodes majeurs de fouilles ont eu lieu à la fin du XIXème siècle et à la fin du XXème siècle. Ces deux chantiers de fouilles ont pour but de prospecter les coteaux de Sieurac qui sont traversés par l'actuel chemin des terres blanches. Les recherches à la fin du XIXème siècle, ont permis de retrouver des pavés en mosaïque, des carrelages de briques peintes et des poids romains. Un siècle plus tard, au début des années 1990, des fouilles ont été menées notamment par Christian Servelle, géologue et archéologue spécialiste du Néolithique.( La période du Néolithique s'étend de 9000 à environ 2000 avant Jésus Christ).

Ces recherches ont eu pour but de retrouver et de mettre au jour d'éventuels vestiges d'ossuaires datant de l'Âge du bronze. (l'Age du bronze s'étale environ de 3000 à 900 avant Jésus Christ.) Lors de ces fouilles, un dolmen fut mis au jour, et bien que celui ci se trouva être endommagé et que les dalles de couverture soient absentes, il conservait néanmoins sa chambre sépulcrale, son ossuaire et la moitié de ses orthostats.( Dans un dolmen, les orthostats sont les pierres que l'on plantait à la verticale pour soutenir les dalles de couverture que l'on posait dessus horizontales. Le tout, protégeant la chambre sépulcrale à l'intérieur de laquelle se trouvait l'ossuaire.) Dans ce dolmen, on retrouve des vestiges humains et de nombreux éléments mobiliers datant du « bronze ancien » soit 3000 ans avant Jésus Christ. On vas notamment retrouver une pointe de flèche en chaille. ( La chaille est un matériau issu de la transformation du calcaire en silice.)Encore de nos jours, plusieurs sites sont recensés par l'archéologie départementale comme abritant des lieux de sépultures dolméniques. Notamment aux lieux-dits de Baurune et Arnac. On notera que le nom « Arnac » est un mot d'origine gauloise composé du préfixe « Ar » qui signifie « le rocher, l'endroit surélevé » et de « Acum » qui désigne un domaine. Le suffixe acum est caractéristique des régions ayant connu des foyers de peuplements de langues celtiques puis gallo-romaines. Le hameau de Vitrac porte un nom d'origine gallo-romaine composé du patronyme romain «Victorius» et du suffixe «acum».

Le département du Tarn a été le théâtre de la mise en relations de deux zones d'influences. Au Sud, la première province romaine en Gaule: «la Narbonnaise» qui s'étendait jusque dans le Tarn depuis la colonie romaine de Narbonne fondée en 118 avant JC. Et au Nord, le peuple Gaulois des Rutènes, dont le territoire s'étendait des plateaux de l'Aubrac jusqu'à la Montagne Noire. Ce choc et ce métissage de cultures a laissé dans le Tarn une grande quantité de vestiges gallo-romains. Si on connaît bien l’existence d'importants regroupements humains comme à Montans, le territoire de Sieurac semble lui aussi attester d'un important développement de foyers de populations à l'époque Gallo-romaine. ( Le terme de gallo-romain est utilisé pour qualifier la période de rapports sur le sol Gaulois entre les peuples romains et gaulois. Elle s'étend ainsi de l'apparition des premières colonies romaines en Gaule vers 121 avant J .C , jusqu’à la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 .) La quantité, la nature et l'omniprésence des vestiges indiquent que le territoire de Sieurac était occupé par plusieurs groupes de populations. Tous les sites sondés, ont livré leurs lots de vestiges gallo-romain . A Baurune ont été retrouvés des fragments de poterie, de pavage, de tegulae (les tegulae sont des tuiles romaines) et des pesons de tisserands. ( Les pesons étaient utilisés avec les métiers à tisser antiques, ils étaient faits de pierres polis dans lesquelles on perçait un trou pour passer le fil, ils permettaient de tendre la laine pour la tisser) Au lieu-dit Les Bories, à l'endroit ou a été surcreusé le ruisseau d'Agros, on a retrouvé des tegulae, à Terralbe on a mis au jour des des tuiles à rebords, des tessons de poterie, des culots d'amphores et même des pièces de monnaie.

Enfin, à la limite Nord-Est de la commune, faisant office de frontière avec la commune de Lombers, se trouve le lieu-dit de «la Viaule». Il a lui aussi livré de nombreux vestiges. Ce site présente la particularité d'avoir dévoilé des vestiges antiques mais aussi, dans une moindre mesure, médiévaux. Ce site présente les signes d'une occupation sur le long terme, à l'époque romaine puis médiévale. Il pourrait s'agir ici de la première centralisation vers un site principal, des divers foyers de population sieuracois. Malgré le fait que cela fasse l'objet de bien des discussions entre toutes les personnes professionnelles ou non, qui s’intéressent à l'histoire de Sieurac, les éléments dont on dispose aujourd'hui, tendent à situer les fortifications collectives qui apparaîtront à l'époque médiévale, dans la proximité de ce site. (Je reviendrai plus tard sur ce point.)

Le site de la Viaule fera l'objet de deux chantiers de fouilles. Un au XIXème siècle et un en 1905. On retrouvera des fragments de poterie sur lesquels figurent dans un cartouche, les noms des potiers qui les ont réalisés : AVI et IVIV. Le dynamisme ou tout du moins le nombre des communautés gallo-romaines a Sieurac peut s'expliquer aussi, par le fait que l'antique voie romaine qui reliait Albi à Carcassonne , à partir de Saint-Benois, après être passé par Saint-Pierre de Conils et Saint-Sernin de Lombers, passait par Sieurac pour ensuite redescendre et traverser le Dadou près de Montdragon. Après quoi, elle se dirigeait enfin vers le pays Castrais puis vers Carcassonne. C'est à partir de cette voie qu'un chemin bifurquai au niveau de Sieurac pour rejoindre directement Graulhet en passant par le sommet des crêtes sur les collines bordant le Dadou au Nord. On apprend grâce à l'archéologie que Sieurac est un foyer de population très ancien. Il faut attendre la période médiévale pour qu'apparaissent les premières sources écrites relatives à ce village. Ce sont elles qui nous permettent de reconstruire le fil de son histoire.Sieurac dans les sources écrites Les sources les plus anciennes traitant de Sieurac sont pour la plupart d'origines cléricales. On sait l'importance de l'Eglise dans les petites communes rurales et agraires de l'Ancien Régime mais c'est particulièrement vrai à Sieurac. La première mention de Sieurac est faite en 1100 à l'occasion d'une donation financière faite par la paroisse en faveur du couvent voisin de la salvetat à Montdragon. Il est alors fait mention de la « parrochia de Siurag ». La paroisse de Sieurac est composée des églises de saint Jacques de Vitrac et de saint Géraud de Sieurac. L'église en tant que bâtiment a joué un rôle clef dans le façonnement du village actuel.

Eglises et clochers de Sieurac :

Au cours des siècles, l'église de Sieurac a été remaniée, fortifiée, détruite en grande partie,réparée puis brûlée, rasée, déplacée rasée encore et enfin rebâtie telle qu'on la connaît aujourd'hui. Malgré tous ces changements, il est de fait qu'elle a toujours été consacrée à Saint-Géraud d'Aurillac. On sait grâce aux écrits qu'elle dépend par exemple au XIIIème siècle pour la cure (l'entretien), de l'abbaye bénédictine Saint-Géraud d'Aurillac. Cette dernière est représentée dans la paroisse par un prieur qui apparaît régulièrement dans les sources. Ainsi, nous savons que les bénéfices ecclésiastiques de la paroisse sieuracoise sont partagés entre l'abbaye bénédictine d'Aurillac et l’évêché d' Albi. La légende voudrait que l'église de Sieurac ait été implantée par Saint-Géraud en 918. Si il est indéniable qu'une filiation existe entre les institutions religieuses de Sieurac et d'Aurillac, l'implantation à Sieurac par Saint-Géraud est relativement incertaine. Le contexte historique médiéval entraîne une mise en fortification généralisée des communautés rurales. A Sieurac, un système défensif communautaire va se développer autour des édifices religieux que sont: le presbytère, l'église et surtout son clocher, dont on sait de lui, d'après les sources, qu'il est «bien fort».C'est pour l'instant, la seule caractéristique que nous apprennent les sources écrites. Il est peu probable qu'à sa construction, que l'on peut situer autour du Xème siècle, l'église avec son clocher ait été fortifiée. Le clocher bien fort auquel font allusions les sources est un remaniement plus tardif né d'un besoin de sécurité liée au contexte historique. Je le situerai pour ma part aux alentours du XIIIème siècle. La fréquence dans les villages français et notamment tarnais de ces clochers fortifiés, nous permet de nous faire une représentation de ce à quoi notre clocher pouvait ressembler. Pour ce qui est de l'aspect du clocher que l'on fortifie : on conserve la forme d'origine du bâtiment qui la plupart du temps est quadrangulaire et on consolide fortement les murs. De telle manière qu'esthétiquement la nef (la partie de l'église qui va du portail jusqu'au chœur) devient parfois ridiculement petite à côté du clocher. ( Dans la nef de l’église, on se contente de murer les ouvertures ou d'y aménager des «meurtrières».)

Afin d 'améliorer la vue depuis le sommet du clocher, on retire sa toiture pour obtenir une terrasse, parfois on le rehausse ou on le pourvoit d'une tour de guet. On emménage également des créneaux et des «meurtrières», et on crée des mâchicoulis . Le clocher a alors l'apparence d'une tour.( Quand il n'y a pas de tour de gué à son sommet, il se peut que le toit du clocher soit couvert comme c'est le cas par exemple pour l'église fortifiée Saint-Étienne à Belcastel.) À l'intérieur des bâtiments, on crée des espaces de stockage en utilisant la hauteur de l'église dans laquelle on pose des plancher pour créer un étage. Dans leclocher on pose des planchers créant ainsi des chambres. Je prendrais pour exemple de ce à quoi pouvait ressembler notre clocher fort, l'église Notre Dame de l'Assomption à Dénat.

 Construite au XIIème siècle, elle est fortifiée au XIVème siècle. La toiture du clocher a été retirée pour laisser place à une terrasse sur laquelle on a construit une tour de gué. Avec la fin des troubles guerriers en France, on rasera finalement cette tour et on replacera une toiture. On peut remarquer ici que de l'église actuelle de Sieurac, avec ses dimensions relativement modestes de 19,67mètres de long pour 8,90 mètres de large, conserve avec ses 12 contreforts et son clocher terminé en terrasse, un aspect qui rappelle les églises fortifiées. On note également que l'église n'est pas, comme c'est la tradition pour rendre hommage au Christ ressuscité, orienté vers le levant à l'Est. Cette dernière est orientée Nord-Sud pour des raisons que l'on ignore. Il y a fort à parier que ce sont des impératifs de construction qui ont dicté son positionnement. A la fin du Moyen-Age, l'ensemble du système communautaire défensif de Sieurac est composé d'un fossé ( un valat) et d'un mur d'enceinte fait de maisons à deux étages qui sont alignées. Elles sont dépourvues d'ouvertures sur leurs façades extérieures à l’exception d'archères arbalétrières. (Les aménagements de tir percés dans les murailles médiévales qu'on appelle communément «meurtrières» du fait de leur caractère, sont en fait des archères. Elles peuvent être arbalétrières ou canonnières quant elles sont de taille plus grande.) À l'intérieur de cette enceinte, on trouvait un second noyau fort composé du presbytère et du clocher fortifié. Bordant le fossé et profitant de la proximité de la structure défensive, c'est développé un faubourg avec ses habitations et ses jardins.(On sait qu'en 1600 Berthomieu Combes possède un jardin confrontant « le fossé du fort de Sieurac».) Rien ne subsiste de tout cet ensemble, et les sources nombreuses qui le décrivent ne disent rien de son emplacement exact. Les contradictions sont nombreuses et si mes récentes recherches me permettent de situer raisonnablement la zone ou il pouvait se trouver, entre l'actuel lieu-dit de La Courtine ( dans le langage militaire médiéval une courtine est un pans de muraille reliant deux tours.) et le lieu-dit de la Viaule, il est difficile de le situer pour l'instant avec plus d'exactitude.

Pour Emile Thomas,qui a étudié en premier l'histoire de Sieurac, l'ensemble fortifié et son faubourg ne se trouvaient pas à la Viaule. C'est un point de vue à prendre en compte car le dernier chantier de fouilles réalisé sur ce site en 1905 n'a pas permis de trouver quelconques traces de la présence d'une agglomération de bâtiments ou des divers objets qui aurait dû en émaner. (Une autre histoire de Sieurac fut rédigée par Robert Jalby en 1997.Ce dernier ne se prononce pas sur l'emplacement des fortifications.) On manque d'informations quant aux dimensions de l'ensemble de fortifications. On sait cependant que les structures fortifiées qui fleurissent dans les communautés rurales du XIVème siècles sont sensiblement toutes de même tailles. Orban, bourg voisin de Sieurac c'est lui aussi doté d'une structure communautaire défensive dont on sait qu'elle mesurait 64 par 62 mètres de côtés. Comme à Sieurac, la structure quadrangulaire était entourée d'un fossé. Les deux bourgs comptaient tous deux pour 2 feux d'imposition. Le feux d'imposition est le coefficient de calcul de l’impôt payé au Moyen-Age.Bien qu'il donne une idée de la l'importance de la communauté locale, il reste approximatif car issu d'un unique recensement dans le royaume en 1328. Il ne tient pas compte du nombre d'habitants des communes mais du nombre de foyers qui les habitent.( Le terme de « feux » vient des feux de cheminées qui chauffait les foyers.) Il faut généralement appliquer un coefficient multiplicateur de 5 pour obtenir le nombre de foyers approximatif que comptait une commune médiévale. Ce qui nous donne: Sieurac, qui compte pour 2 feux d'imposition multipliés par 5, soit 10 foyers. Cela nous donne un indice, mais ne nous apprend rien quant aux chiffres de la population car « le foyer » médiéval peut être composé de nombreuses personnes et peut ne pas désigner une seule habitation. Dans ce sens, le « foyer médiéval se rapproche plus de la notion moderne du lieu-dit.Si nombres de communes du Sud de la France ont un passé agité, il est moins fréquent qu'une petite commune connaisse en 56 ans d'intervalle, deux événements d'une ampleur telle qu'ils ont participé pour une bonne part à dessiner le Sieurac contemporain. Les événements du XVIème et XVIèmes siècles Les événements auxquels je viens de faire allusion ont eu respectivement lieu en 1569 et en 1625. -Le 6 décembre 1569, des garnisons protestantes issues des foyers de Castres et Réalmont, s'en sont allées assiéger une caminade (de l'Occitan «caminada»:le presbytère) et un clocher bien fort appelé Sieurac. Les canons y ont battus 3 jours et fait brèche.

Le lendemain ceux qui étaient dedans n'ayant d'autre choix que de se rendre ont été emmenés prisonniers à Lombers. On apprend là que « ce Sieurac » a été donné aux soldats pour le pillage et que quelques jours après on l'a démoli et mis par terre. Cet événement met en valeur l'importance du système défensif et de son clocher qui nécessite trois jours de canonnades avant que brèche n'y soit faite. Bien que l’événement soit terrible pour la communauté, il faut nuancer le récit qui nous en est fait. Les rapporteurs des « guerres de Castres » (comme ces derniers les nomment alors ) sont souvent membres d'une des deux parties belligérantes. En l’occurrence le propos concernant les événements de 1569, si on ne peut pas réfuter qu'ils aient eus lieu, semble quelque peu exagéré. En effet on sait que l'ensemble des fortifications ne fut pas entièrement démolie car le compoix de 1600, même s'il fait mention d'Ayrals(espaces vides) entre les maisons qui constituaient la première ligne de défense, le clocher « si fort» est toujours debout. Lors de l' inhumation en 1622 de l'époux de Marie Bosseguy , les sources nous disent qu'il a fallu se contenter du recteur et des deux prêtres qui se trouvait dans le fort de Sieurac car les routes étaient alors trop dangereuses pour que l'épouse puisse faire venir des prêtres étrangers et organiser une majestueuse et officielle cérémonie pour son défunt mari. Malheureusement, c'est cette résistance physique des bâtiments défensifs ( notamment du «fort» composé du clocher et du presbytère) qui va provoquer les éléments de 1625. Je vous livre le récit tel qu'il est écrit par l'abbé Thomas dans ses «comptes de tutelle 1622-1637» « Sur la fin du mois d’août 1625 le Sieur de Rohan, chef et gouverneur des rebelles contre sa majesté, se trouvait avec son armé dans les environs de Réalmont. Voulant mettre ses papiers à l'abris du vol ou de la destruction, Marie Bosseguy les fits transporter dans l'église et fort de Sieurac en la cambre qu'il y avait, lequel fort et église, à l'improviste fut pris par les dites troupes, assiégé le deuxième septembre et jusqu'au lendemain, battu d'un gros canon et d'une couloubrine; y assistant le dit Rohan. Vingt soldats et plusieurs citoyens sous les ordres du sergent Laroche défendirent la petite citadelle. Accablés par le nombre ils se rendirent par composition, Laroche et ses soldats la vie sauve et les habitants a dicrexion. Après le départ des défenseurs, le fort et les maisons voisines sont livrés aux flammes et le tout fut bruslé comme s'en voyent encore les ruines et rien ne fut sauvé. ( La couloubrine dont il est question ici est le nom ancien de la couleuvrine dite «bâtarde» qui est une petite pièce d'artillerie à canon long de la fin du Moyen-Âge. Il ne s'agit pas ici de la «grande couleuvrine» qui comme son nom l'indique était de très grande taille et que l'on considère comme l’ancêtre du canon de marine. La couleuvrine est une arme alors appréciée car légère et facilement transportable. De plus, son long canon augmentant la vitesse de sortie du projectile, lui confère une bonne portée de tir.) ( Ici, le mot Dicrexion ou discrétion, signifie laissé au bon vouloir des soldats présents.)On notera ici que le narrateur, contrairement à celui rapportant les événements de 1569, est de confession Catholique, quoi qu'il en soit, cette fois, ça en ai fini. Sieurac, ou tout du moins son bourg, a disparu. Ces événements, auxquels a assisté en personne le duc de Rohan chef de la fronde protestante contre Louis XIII, soulève deux points importants: -Le fait que Sieurac soit resté, dans ces temps où les revirements «d’allégeances» sont monnaies courantes, fidèle au Roi et à sa religion malgré la modestie de ses possibilités militaires et malgré la proximité des importants foyers Protestants de Réalmont et Castres . En 1624 la communauté de Sieurac a dû emprunter aux frères Batigne de Montdragon, la somme de 50 livres pour acheter poudre, mèches et balles afin de défendre l'église fortifiée de Sieurac contre «les rebelles».  Bien que l’ensemble des constructions formant le complexe de fortifications n'est vraisemblablement pas été de très grande taille, il devait être suffisamment redoutable pour que les armées protestantes jugent bon de l'attaquer par deux fois et de le détruire entièrement.

Ainsi, le faubourg, le bourg, le four communal, l'échoppe du forgeron et autres constructions inhérentes au fonctionnement d'une communauté, sont détruites. Le bourg va se reconstruire à l'emplacement que nous connaissons aujourd'hui et là aussi, (comme pour confirmer l'adage «qui replace l'église au centre du village»), autour d'une ancienne chapelle qu'on va emménager en église. Cette nouvelle église ne vas pas bénéficier de la solidité de son aïeule et sera rasée, après que rapport fut fait à l’archevêque d’Albi, pour cause de trop grande vétusté dans la seconde moitié du XIXème siècle.(L'actuelle église a été construite autour de 1848) A sa place, notre église (autrefois accompagnée d'un presbytère qui se situait sur l'actuelle place) se verra ornée, comme son aînée de Vitrac, d'un cadran solaire au dessus duquel est écrit: «ULTIMA MULTIS», littéralement «le dernier numéro» ou «la dernière heure ». C'est une contraction d'une des nombreuses citations latines religieuses, (largement étudiées et répertoriées par les gnomonistes ), qui accompagnent parfois les cadrans solaires sur les façades des églises.

La formule entière est «dubia omnibus ultima multis» qui peut se traduire de plusieurs façons qui ont le même sens:« le dernier de tout les doutes pour beaucoup» ou «incertaine pour tous, celle-ci est la dernière pour beaucoup.» L’omniprésence des cadrans solaires sur les édifices religieux de Sieurac attire l'attention. Si au XIVème siècle un cadran, implanté sur la façade Sud d'une église, s’avérait certainement très utile pour renseigner sur l'heure des multiples temps de prières diurnes et nocturnes alors pratiqués, dans la seconde moitié du XIXème siècle, son rôle n'est plus que symbolique et son implantation relève de la seule volonté des commanditaires de l'ouvrage. Seule se dresse encore l'église de Vitrac comme vestige de cette époque lointaine et mouvementée. Communauté et Agriculture Il est difficile, lorsque on étudie l'évolution de Sieurac, de dissocier communauté et agriculture.Ce sont là aussi, deux éléments primordiaux dans la construction de l'identité sieuracoise. On sait à la fin du Moyen-Âge que Sieurac est le chef-lieu d'une communauté d'habitants autonomes. En effet, le village n'a jamais, au vue des sources, eu de lignée seigneuriale résidant sur ses terres. Bien sûr, ses habitants doivent rendre des comptes et paient des impôts au seigneur de Lombers puis plus tard, après la Croisade contre les Albigeois, à la seigneurie de Castres. En 1313 un procès oppose Hughes de Monteil-Adhémar seigneur de lombers à Eléonore de Montfort-Vendome seigneuresse de Castres, au sujet de leurs droits respectifs sur les localités albigeoises de la châtellenie de Lombers qui est alors déjà inféodée à Castres.

Il y est fait mention d'un lieu nommé « Siurac » dans les appartenances d'Eleonore. Les sources jusqu'à la période révolutionnaire, qui d’ailleurs a mis à mal ce système, décrivent Sieurac comme un consulat. Hérité du droit romain, ce système indique la capacité d'une communauté d'habitants à délibérer en commun au sein d'une assemblée. Ainsi ce mode d'administration associé aux régimes seigneuriaux du Midi confère une plus grande liberté aux communes par opposition à celles du Nord de la France ou on élit plus souvent des maires et des échevins. Depuis le Xème siècles les villes ou les bourgs qui ont signé la charte de franchise communale peuvent élire un maire qui sera chargé de l’exécutif sur sa commune. Bien qu'il n'existe aucune trace de l'adoption de cette charte par Sieurac, il est bien fait mention, dans les compoix ( les compoix sont des ouvrages dans lesquels on recense toutes les possessions foncières bâties ou non bâties d'une commune) , du consulat de Sieurac avec à sa tête un consul. On sait par exemple que «Jean Combes est consul du lieu» en 1600, lors de la rédaction du Compoix.

A l'inverse de beaucoup de villages, il semblerait que Sieurac ne se soit pas construit autour d'un centre. Ce sont les besoins communs liés aux contraintes propres à l'époque qui ont emmené selon moi,(sur ce point je rejoins Emile Thomas) les différentes communautés agricoles d'habitants de Sieurac à construire un ensemble collectif de défense, de stockage et de vie au centre des différents noyaux d'habitations existants. C'est très logiquement que s'est faite cette centralisation, les vieux et principaux mas, notamment ceux d'Albert, de Combes et le hameau de Vitrac sont situés à des distances suffisamment proches et équivalentes du site ou l'on suppose l'ancien bourg. Ils sont de plus reliés par la route et avant ça le chemin qui traversait Sieurac qu'on appelait: «la passade» au XIVème siècle puis «la rue publique» au XVIIème siècle. Déjà à l'époque médiévale, «les mayzou» qui constituent le mur d'enceinte de la structure défensive, appartiennent pour la plupart aux familles des mas qui ne les habitent pas mais les loues. On sait que la famille Bosseguy possède dans le fort des chambres qu'ils louent pour y entreposer biens et personnes.

On sait que Marie Bosseguy possède en 1600 sa part du four communautaire et peut utiliser en 1625, la «cambre» qui se trouve dans le clocher, lieu le plus sécurisé du complexe, pour y mettre ses biens à l'abri. (On trouve à Sieurac un lieu-dit la maysou. En occitan «la maysou» signifie la maison au sens large de l'habitation mais aussi du patrimoine qu'elle représente, par opposition à «oustal» qui signifie lui aussi en occitan «maison» mais avec le sens plus strict d' un bâti.) Les habitants de Sieurac se sont vus pourvus des terres, par héritage, donations ou par achats autour du clocher et y ont bâti leurs structures défensives. S'il est une raison à tout cela c'est bien le caractère agraire de la communauté des habitants de Sieurac. C'est l'agriculture durant des siècles qui a dessiné et rythmé la vie du village. C'est en grande partie et d'abord pour protéger les récoltes des larcins routiniers qui s’opèrent au Moyen-Âge, que la communauté des habitants, dépendante de l'agriculture pour les revenus et la subsistance, vas être amenée à ériger des bâtiments pour stocker les récoltes en sécurité. Durant la guerre de cent ans, les soldats à pied des deux camps, qu'ils soient anglais ou français pratiquaient, pour palier à la maigreur de leurs soldes, le vol et les enlèvements en tout genres. De nombreuses lettres ont été envoyées par les communautés autour de Sieurac( Orban, Poulan, Lombers) pour informer Albi de la présence de ces « piétons » et des ravages et exactions qu'ils commettent. Au vue de ce que nous montrent les archives, Sieurac, comme je l'expliquai précédemment, c'est articulé autour des différents foyers de populations déjà implantés dans des fermes regroupées en mas ou en hameau, séparés entre eux par les terres à cultiver.( Et ce, même si on peut tout de même dénombrer de petites exploitations isolées.) Les petits agriculteurs sont devenus au fil des générations qui se succédèrent des propriétaires fonciers qui vont influer et présider durant de nombreuses années à la direction du village.

Par exemple, Jean Combes, consul de Sieurac en 1600, dont j'ai abordé le sujet précédemment, est le propriétaire du mas qui porte encore son nom aujourd'hui. Malgré le fait que ces grandes familles d'agriculteurs n'aient, pour la plupart, plus de représentants à Sieurac le village reste porté par l'agriculture et les champs continuent de former lamajeure partie de son territoire. En termes de nature des cultures, il y a très peu de sources relatives à ce sujet. Ce qui peut être imputé au fait qu'il n'y ai jamais eu de spécialisation propre au village, bien qu'on sache de mémoire la relative importance, il fut un temps, de la culture viticole sur les coteaux argilos-calcaires du sieuracois. Ces mêmes coteaux qui sont réputés pour donner une bonne qualité de raisin et qui continue de faire le succès de nos vins régionaux. La culture de la vigne au XIXème siècle est comme celle du pastel au XVIIIèmè siècle, largement répandue dans le Tarn et elle ne constitue pas vraiment une originalité. Aucun autre secteur d'activité ne semble s’être développé de manière significative sur la commune. Il semblerait tout de même que tirant partie de la nature géologique de son sol, Sieurac ait extrait le calcaire pour en faire de la chaux. On sait à ce sujet qu' en 1836 une carrière est encore en activité sur la commune, au lieu-dit plaisance.

Merci à Sébastien Babau du conseil municipal du village de Sieurac pour les longues recherches et informations précieuses sur notre village.